jeudi 8 avril 2010
Atelier : s' installer à la campagne
Présentation de l’atelier par Stéphane Cozon :
Il y a actuellement une prise de conscience croissante de la nécessité de se rapprocher de la souveraineté alimentaire. Or on constate dans le même temps une diminution de la surface des terres cultivables ainsi que de leur qualité. Parallèlement, le nombre de projets d’installation en agriculture par des personnes qui souhaitent s’installer par conviction, par éthique, est en constante augmentation.
L’objectif de cet atelier sera d’identifier les différents points de blocage auxquels sont confrontés les candidats à l’installation, et d’étudier les pistes pour faciliter les installations agricoles, qu'elles soient professionnelles (production à grande échelle), vivrières ou familiales (production de sa propre nourriture).
Interventions :
Martial Christien, Menglon:
La pression foncière dans le Diois est très importante, il y a très peu de terres agricoles disponibles, beaucoup de candidats à l’installation et assez généralement un esprit conservateur chez les agriculteurs : l’installation devient un véritable parcours du combattant qui demande un gros travail relationnel ; la priorité est donnée aux paysans déjà installés ; la grande pression foncière entraîne une forte concurrence entre les candidats à l’installation.
Xavier Duc, candidat à l’installation en élevage caprin:
Je faisais partie d'un collectif de cinq personnes avec un projet d’installation paysanne d’un collectif de cinq personnes. Nous avions trouvé le lieu. Quatre d'entre-nous auraient eu une activité agricole, sur une exploitation de 24 ha avec bâtiments agricoles. Le coût total de l’opération était de 250 000 €, un crédit relais de 50 000 € avait été envisagé pour finir le montage financier, il a été refusé, le projet a donc été abandonné.
Autres participants:
Il y a beaucoup d’annonces d’exploitation à vendre, mais le ticket d’entrée est très élevé, principalement à cause de la mécanisation.
La priorité est donnée à l’agrandissement à tout crin. Les agriculteurs qui sont déjà en place ont l’argent et le pouvoir et, en plus, la confiance des cédants.
Michel Terrail, agriculteur à Montmeyran:
Le problème n’est pas tant le prix à la vente des terres mais le fait que la plupart sont louées et non pas vendues. Il faudrait faire un stock de terre réservée à la location. Cela pourrait être une des missions de Terre de Liens.
Autres participants:
La délimitation des zones est primordiale : il faut éviter que chaque terrain agricole devienne un terrain à bâtir ; il faut défendre les espaces agricoles. À Crest par exemple, le dernier P.L.U est entièrement tourné vers l’habitat individuel (ce qui correspond à beaucoup de territoire pour peu de densité). Ce type de problème nécessite une forte mobilisation, car il conditionne les installations futures. Or, hormis quelques agriculteurs, tout le monde semble se désintéresser de la question.
Non seulement les terres agricoles sont converties en terrains à bâtir, mais en plus ce sont les meilleures terres qui partent ! Les anciens eux, s’installaient sur les hauteurs et réservaient les meilleures terres à l’agriculture.
Le problème ne vient pas uniquement de la transformation de terrains agricoles en terrains constructibles. Certains terrains agricoles sont exploités par des carriers. Malgré les engagements qu’ils prennent, quand ils quittent un terrain, celui-ci est complètement perdu pour l’agriculture.
Le fait que les retraites agricoles soient faibles empêche les agriculteurs qui cessent leur activité de se séparer de leurs terres : il préfère les louer pour s’assurer un revenu. De plus leur outil de travail, l’exploitation, est souvent confondu avec leur lieu de vie : transmettre l’exploitation reviendrait à quitter leur propre maison.
Stéphane Cozon, ferme de la Baume Rousse à Cobonne:
Nous sommes installés depuis 22 ans, et encore dans une précarité foncière importante (beaux oraux, baux précaires).
Il y a dans la problématique de l’installation une composante culturelle importante : on ne loue pas à des étrangers ; on fait plus confiance aux gros agriculteurs déjà en place qu’à des jeunes avec peu d’expérience ; beaucoup de paysans s’identifient complètement à leur terre ce qu’il fait qu’ils auront beaucoup de mal à s’en séparer ; certains agriculteurs ont une vision si négative de leur métier qu’ils refusent de laisser leurs terres continuer en agricole : ils pensent que leur exploitation n’est pas rentable et que des jeunes ne pourront pas en vivre.
Nicolas Gruer, éleveur à Valdrôme:
Il existe dans le milieu agricole une idée tenace qui veut qu’une petite ferme ne soit pas « rentable ». On va donc vers l’agrandissement, alors qu’avec quelques hectares, on peut vivre de son activité !
Autres participants:
Au niveau municipal, les mairies semblent beaucoup plus concernées par le tourisme que par l’agriculture.
Dans le transfert d’exploitation, il y a beaucoup d’occultisme dans un grand nombre de communes ; tout se fait par en dessous, les cessions ne sont pas rendues publiques. Il faudrait des cadastres vivants, régulièrement mis à jour, aisément accessibles à tous.
Si l’on agit, il faut rester au niveau communal. Aux niveaux supérieurs, les gens ne se sentent pas concernés.
Marie Le Roy, association Terre de Liens:
L’association Terre de Liens vient de réaliser une collecte de fonds auprès de particuliers : les sommes collectées sont très supérieures à ce qui avait été envisagé : il y a là une prise de conscience, une réponse de la société civile à la problématique des terres agricoles.
Autres participants:
Il faut inventer des moyens de conserver aux terres agricoles leur usage. Terres Communes en est un exemple : c’est une S.A.S. (société par action simplifiée) qui achète des exploitations, des terres et les loue à des collectifs qui les exploitent. En cas de défaillance du collectif, l’exploitation n’est pas revendue. Elle reste la propriété de Terres Communes et pourra donc être loué à un nouveau collectif. Cela assure que ces exploitations garderont leur vocation agricole. (Actuellement trois lieux sont gérés par Terre Commune : Caracoles de Suc en Ardèche, Cravirola dans le Minervois, et l’ancien site de Cravirola dans le Mercantour)
Il y a un changement de mentalité chez certains agriculteurs : certains cherchent des jeunes pour prendre leur suite.
Cédric, maraîcher « simple déclarant », Saillans:
Si on commence doucement une activité agricole, des gens viennent spontanément proposer des terres. Ce sont souvent des petites surfaces avec des baux oraux, donc assez précaires.
Il y a des exploitations et qui n’ont pas de suite : l’agriculteur ne connaît personne désireuse de prendre sa suite ; il est donc important de développer le relationnel pour que ce type d’exploitation puisse aller à l’installation de nouveaux agriculteurs.
Michel Terrail, agriculteur à Montmeyran:
Il y a trente ans, à chaque terrain à vendre, il y avait une réunion des agriculteurs locaux, le comité de structure. On a un grand besoin de ce type d’initiatives collectives.
Il est d’autant plus urgent de s’organiser qu’un grand nombre d’agriculteurs dans la Drôme (250 ?) vont cesser leur activité des les années qui viennent.
Autres participants:
Il existe à Dieulefit et dans certaines autres communes un SIG (Système d’Information Géographique) qui recense les parcelles qui vont se libérer.
Patricia Jacoutot, candidate à l'installation en plantes médicinales:
Il faudrait que quelqu’un fasse le lien entre ceux qui partent et ce qui arrive. C’est normalement le rôle de l’Adasea et de la RDI : les outils existent, à nous de mettre la pression !
Monique Rospars, Laval d'Aix:
Monique fait partie d’un groupe qui a un projet d’éco-lieu près de Pontaix. Dans les terrains envisagés il y a des terres agricoles, le groupe cherche donc des agriculteurs prêts à s’installer.
Jef, animateur de l’association Cultivons notre Jardin, Saillans:
Nous ne sommes pas dans une période de crise, mais de mutation : la terre doit-elle appartenir à certains ou bien doit-elle être accessible à tous (ce qui signifie : pas de propriété privée).
On constate actuellement, pour une partie de la population de plus en plus importante, une impossibilité de se loger, et une impossibilité de pratiquer l’agriculture vivrière. Pourquoi ne pas réquisitionner des terres mal gérées ? Pourquoi ne pas se ré-approprier la production agricole ?
Autres participants:
On arrive dans une période où l’on doit réinventer l’agriculture : il faut accueillir les idées qui viennent de l’extérieur du monde paysan se sont peut-être elle qui permettront de résoudre les difficultés dans laquelle nous sommes actuellement.
Biovallée pourrait permettre l’expérimentation de nouvelles organisations. C’est à nous de faire ce qu’on veut de Biovallée : c’est un outil qui deviendra ce que l’on en fera. Les initiateurs de Biovallée sont demandeurs d’initiatives !
Synthèse :
Quelques points de blocage identifiés, auxquels sont confrontés les candidats à l’installation:
-une forte pression foncière, due à la concurrence entre agriculteurs, et entre l'agriculture et les autres usages du foncier (urbanisation...)
-freins culturels, conservatisme des agriculteurs, méfiance vis-à vis des « étrangers » et des projets atypiques;
-blocages financiers, prix du foncier prohibitif, prix des exploitations à reprendre souvent démesuré, réticence des organismes bancaires;
Des pistes pour faciliter les installations agricoles:
-préservation des terres agricoles par les documents d'urbanisme; et par des initiatives telles que Terre de liens, la SAS Terres communes...)
-importance du relationnel entre cédants et candidats, installations progressives;
-une veille foncière, et une transparence, à l'échelle communale (comités de structure, SIG);
-stockage locatif de terres agricoles;
-réactivation des outils existants (ADASEA, RDI...);
-réquisition des terres agricoles mal gérées ou abandonnées
Collectif "Plaidoyer pour la Terre"
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